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CONSOLATION
à
« Du Perrier »
sur la mort de sa malle
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Ta douleur, Du Perrier, est-elle donc constante ?
Infortuné martyr,
Au sein du désespoir as-tu planté ta tante
Dont tu ne peux sortir ?
Hier, tu pleurais ta bonne, aujourd’hui, c’est ta malle,
Et quoi diable demain
Pouvant intéresser ta glande lacrymale
Sera-ce d’inhumain ?
Je sais bien qu’elle était, cette malle vétuste,
De bonne qualité
Lorsque tu l’achetas, sans pouvoir dire au juste
Ce qu’elle t’a coûté ;
Que cette malle était en forte peau de balle,
Souple comme un bambou,
Et qu’il aurait fallu des dents de cannibale
Pour en venir à bout.
Et qu’elle t’a suivi dans tes mille aventures,
Recevant plus d’un gnon,
De tes déplacements et villégiatures,
Docile compagnon.
Mais enfin, ô poète, elle était de ces malles
Comme on en voit partout,
Au Louvre, au Bon Marché, quelconques et normales,
Fragiles, après tout.
Ta douleur, Du Perrier, est-elle donc constante ?
Infortuné martyr,
Au sein du désespoir as-tu planté ta tante
Dont tu ne peux sortir ?
Hier, tu pleurais ta bonne, aujourd’hui, c’est ta malle,
Et quoi diable demain
Pouvant intéresser ta glande lacrymale
Sera-ce d’inhumain ?
Je sais bien qu’elle était, cette malle vétuste,
De bonne qualité
Lorsque tu l’achetas, sans pouvoir dire au juste
Ce qu’elle t’a coûté ;
Que cette malle était en forte peau de balle,
Souple comme un bambou,
Et qu’il aurait fallu des dents de cannibale
Pour en venir à bout.
Et qu’elle t’a suivi dans tes mille aventures,
Recevant plus d’un gnon,
De tes déplacements et villégiatures,
Docile compagnon.
Mais enfin, ô poète, elle était de ces malles
Comme on en voit partout,
Au Louvre, au Bon Marché, quelconques et normales,
Fragiles, après tout.

A cette heure elle jouit d’une assez sale gueule,
De tes propres aveux,
C’est une loque informe et minable, une aïeule
Qui n’a plus de cheveux ;
Elle fuit de partout, elle n’est plus d’équerre.
Sa seule fonction
Est d’être vieille. Eh bien ! cela ne passe guère
L’imagination.
Vieillir, jeune immortel, ce destin est le nôtre :
Tous soins sont superflus.
Si tu n’as plus de malle, achètes-en une autre,
Et qu’on n’en parle plus.
Hélas ! que j’en ai vu mourir de vieilles malles
Et de jeunes aussi,
Sans avoir desséché des stations thermales,
N’ayant bougé d’ici.
Parfaitement. Oui, moi, rimailleur sans fortune,
O poète, sais-tu
Qu’avec mon air de rien, j’en ai perdu plus d’une,
De malle, et m’en suis tu.
Une malle autrement célèbre que la tienne
C’est bien celle, à coup sûr,
De ce pauvre Gouffé (que le ciel le maintienne
Joyeux, en son azur !)

Eh bien ! Le malheureux ne fit pas tant d’histoires,
Et cependant chacun
Affirme qu’elle et lui - pylades méritoires -
Semblaient ne faire qu’un !
Et donc, ne pleurons pas, car c’est pure folie,
Sur un si mince objet
Qu’une malle ! oh ! laissons cette mélancolie
A monsieur Paul Bourget !
Pleurons sur nous plutôt, sur nos malles ensuite,
S’il nous reste des pleurs,
Puisqu’aussi bien la Mort emporte, dans sa fuite,
Les malles… et les fleurs.
« La Mort a des rigueurs à nulle autre pareilles. »
On a beau chiâler,
Quant cette garce vient nous tirer les oreilles,
Faut quand même y aller :
Et dans cette contrée antirhumatismale
- Rapporte-t’en à moi -
Où il est superflu d’emporter une malle
Qui servirait, à quoi ?
RAOUL PONCHON
le Courrier Français
09 février 1896
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0000
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Consolation à
M. du Perrier sur la mort de sa fille
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Et les tristes discours
Que te met en l’esprit l’amitié paternelle
L’augmenteront toujours ?
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Le malheur de ta fille au tombeau descendue
Par un commun trépas,
Est-ce quelque dédale où ta raison perdue
Ne se retrouve pas ?
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Je sais de quels appas son enfance était pleine ;
Et n’ai pas entrepris,
Injurieux ami, de soulager ta peine
Avecque son mépris.
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Mais elle était du monde, où les plus belles choses
Ont le pire destin ;
Et, rose, elle a vécu ce que vivent les roses,
L’espace d’un matin.
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Puis, quand ainsi serait que, selon ta prière,
Elle aurait obtenu
D’avoir en cheveux blancs terminé sa carrière,
Qu’en fût-il advenu?
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Penses-tu que, plus vieille, en la maison céleste
Elle eût eu plus d’accueil
,Ou qu’elle eût moins senti la poussière funeste
Et les vers du cercueil ?
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Non, non, mon du Périer, aussitôt que la Parque
Ôte l’âme du corps,
L’âge s’évanouit au deçà de la barque,
Et ne suit point les morts.
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Tithon n’a plus les ans qui le firent cigale ;
Et Pluton, aujourd’hui,
Sans égard du passé, les mérites égale
D’Archémore et de lui.
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Ne te lasse donc plus d’inutiles complaintes ;
Mais, sage à l’avenir,
Aime une ombre comme ombre, et des cendres éteintes
Éteins le souvenir.
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C’est bien, je le confesse, une juste coutume
Que le cœur affligé,
Par le canal des yeux vidant son amertume,
Cherche d’être allégé.
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Même quand il advient que la tombe sépare
Ce que la nature a joint,
Celui qui ne s’émeut a l’âme d’un barbare,
Ou n’en a du tout point.
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Mais d’être inconsolable, et dedans sa mémoire
Enfermer un ennui,
N’est ce pas se haïr pour acquérir la gloire
De bien aimer autrui ?
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Priam qui vit ses fils abattus par Achille,
Dénué de support,
Et hors de tout espoir du salut de sa ville,
Reçut du réconfort.
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François, quand la Castille, inégale à ses armes,
Lui vola son dauphin,
Sembla d’un si grand coup devoir jeter des larmes,
Qui n’eussent point de fin.
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Il les sécha pourtant, et comme un autre Alcide,
Contre fortune instruit,
Fit qu’à ses ennemis d’un acte si perfide
La honte fut le fruit.
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Leur camp, qui la Durance avoit presque tarie
De bataillons épais,
Entendant sa constance, eut peur de sa furie,
Et demanda la paix.
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De moi, déjà deux fois d’une pareille foudre
Je me suis vu perclus ;
Et deux fois la raison m’a si bien fait résoudre,
Qu’il ne m’en souvient plus.
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Non qu’il ne me soit grief que la tombe possède
Ce qui me fut si cher ;
Mais en un accident qui n’a point de remède
Il n’en faut point chercher.
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La Mort a des rigueurs à nulle autre pareilles :
On a beau la prier,
La cruelle qu’elle est se bouche les oreilles
Et nous laisse crier.
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Le pauvre en sa cabane, où le chaume le couvre
Est sujet à ses lois,
Et la garde qui veille aux barrières du Louvre
N’en défend point nos rois.
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De murmurer contre elle, et perdre patience,
Il est mal à propos ;
Vouloir ce que Dieu veut, est la seule science
Qui nous met en repos.
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FRANCOIS DE MALHERBE
FRANCOIS DE MALHERBE
STANCES
1599
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