2 juin 2008

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GAZETTE DE HOLLANDE
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La reine de Hollande
A dit à sa maman :
« Maintenant je suis grande,
Je veux de l’agrément.


« Quittons notre fromage
Et voyageons d’abord ;
Apprête mon bagage
Et prends mon passeport.

« Dix-huit ans ! C’est mon âge.
Je sens bigrement qu’il
Faut que j’entre en ménage
En ce doux mois d’Avril.

« Mais ce cher Protocole
Entêté comme un pieu,
Voulant que je me colle
Quelqu’un de mon… milieu,

« Dans les cours étrangères
Je dois le dénicher ;
Ça n’est pas lui, ma chère,
Qui viendrait me chercher. »



* ...*


Voilà nos voyageuses
Prenant alors leur vol ;
La vieille et la majeure
Sont bientôt chez luisette


Eh bien, les princes belges
N’intéressent point
La jeune reine, Belges
Qu’ils sont, à trop haut point.

Lâchant ce territoire
Et prenant le bateau,
Elle alla chez Victoire
Qu’il lui dit aussitôt :

« Ah ! Ma pauvre chérie,
Vous arrivez trop tard,
Car bientôt je marie
Mon centième moutard. »

Elle lit l’Allemagne
En tout sens, sans trouver
Le mari de cocagne
Qu'elle avait dû rêver.



« Ce peuple-là m’assomme,
Dit-elle ; quel brutal !
Et je voudrais un homme
Et non pas un cheval. »

Elle fut chez les Russes :
Tous étaient à Paris
A se flanquer les rosses,
Des bosses d’Otéros !


Puis, chez ces dilettantes
Italiens voisins,
Elle trouva des tantes
En cherchant des cousins…

Enfin, sans espérance
De trouver ce phénix
Elle débarqua en France
Et rencontre Félix.


« Ah ! madame ma mère !
C’est lui, Dieu, qu’il est beau !
La voilà ma chimère !
C’est Félix qu’il me faut.


- C’est un grand personnage,
Je n’en disconviens pas,
Mais quoi ! songe à son âge,
Il serait ton papa ;


« Puis, ça n’est pas possible,
Ma fille, sacredié !
Il n’est pas disponible
Puisqu’il est marié…

- En ce cas-là, ma mère,
J’en jure Dieu vivant,
Je vais, sans tarder guère
Entrer dans un couvent. »



RAOUL PONCHON
Le Courrier Français
24 avril 1898



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