23 déc. 2011




REVEILLON de NOËL
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Seigneurs ou sainte canaille,
En ce jour divin,
Mangent de la cochonnaille
Et boivent du vin.

Déjà mon appétit grouille,
Car, voilà soudain
Des astragales d’andouille
Et de noir boudin



- Ainsi font les folles vignes -
Fleurir tout partout.
O spectacle des plus dignes,
Succulent partout !

De la cuisine à l’office,
En chaque maison,
On choit sur de la saucisse
Et du saucisson.


Bons charcutiers ! Sur mon âme,
Ils font de leurs doigts
Tout ce qu’ils veulent, madame,
Tant ils sont adroits !





De leurs couteaux invincibles,
Rien qu’avec du lard
Ils font des fleurs comestibles.
O comble de l’art !


J’en prends à témoin quiconque,
Ces braves gens-là
Prennent un cochon quelconque,
Et disent : voilà !


Voilà mille bonnes choses,
Pâtés, jambonneaux…
Voilà des lis et des roses,
Nés de nos fourneaux.

Avec du cochon… que dis-je ?
C’est ça le plus beau,
Qui tient vraiment du prodige,
Certains font du… veau !



*
*... *


Voire, en cette nuit de joie
Que nous célébrons,
On voit d’elle-même l’oie
Pondre des marrons.


La dinde, chair un peu « muffe »
Généralement,
Court au devant de la truffe,
Fer de cet aimant.


Les bouteilles toutes seules
Montent l’escalier,
Par crainte de rester seules
Au fond du cellier.





Et quand vient l’heure classique,
Minuit pour le quart,
C’est, avec ou sans musique,
Un vrai balthazar !


Et cela dans tout l’empire,
Dans les moindres bourgs.
De sorte que l’on peut dire,
France, mes amours,


Que si Paris est le centre
Où ton esprit bout,
En cette nuit-là, ton ventre
Est un peu partout.

RAOUL PONCHON
Le Journal
23 déc. 1912


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