2 avr. 2008

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ALLONS BON !
ENCORE DE VIEUX MESSIEURS
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Ponchon récidive... dans la dénonciation des bonnes moeurs de certaines gens installées... exercice qui lui avait été reproché et lui-même condamné (1891)... rappellez-vous *


On vient de dégoter tout récemment encore
Un jeu de vieux messieurs
Que tout être récuse et que rien ne décore,
Infâmes sous les cieux,

En gestes avec de petites créatures…
En conversation…
Qu’est-ce que vous pensez qu’ont fait les préfectures
Dans cette occasion ?

Leur ont-elles flanqué un peu de paille humide ?…
S’agit bien de cela !
Infligé, tout au moins quelque blâme timide ?
Ah ! bien oui ! tra la la.

Non, non. On a pour eux trop de sollicitudes !
Ils furent simplement
Priés d’aller plus loin à leurs chères études
Sans autre boniment.

Et, qu’est-ce qu’on a fait de ces petites filles,
De ces jeunes garçons
Qui composaient les moins réguliers des quadrilles
Avec ces polissons ?

On les réintégra dans le sein de leur mère ?
Ah ! vraiment tu crois ça ?
Et c’était, te dis-tu, la seule scène à faire.
Dieu ! que tu es bêta,

O lecteur, mon ami. Mais ces petites filles
Et ces petits garçons
On ne les rendit pas du tout à leurs familles,
On les mit en prison !


Tu ne comprends donc rien c'te vieille justice ?
Sais-tu pas qu’elle veut
Que le faible toujours pour le puissant pâtisse :
Tel est son têtu vœu.

Et puis enfin, s’il faut tout dire, il y a bien de
La faute à ces petits,
Pourquoi se prêtaient-ils de cette façon dinde
A ces vieux abrutis ?

Ne va pas les blâmer surtout, Dieu t’en préserve !
Tous ces vieillards impurs,
Parles-en même avec la plus grande réserve
Ou, tais-toi, c’est plus sûr.

Songe que la plupart du temps ces vénérables
Sont de très gros bonnets,
Des légumes de choix, des gens considérables ;
D ‘ailleurs, tu les connais.

C’est ceux-là, mon ami, qui disent : la morale !
Ainsi que Brid’oison *
Dit : la forme ! en prenant de leur main doctorale
Le… menton à Suzon.


Tenez : un jour, moi-même, en pareille occurrence,
A propos de chameaux
Semblables j’avais eu la fatale imprudence
D’en jacter quelques mots,


Je leur avais trempé le nez dans leurs ordures.
Eh bien, c’est rigolo :
Ce fut moi qui tâtai de la magistrature.
C’était moi le salaud !

Heureusement que la peine ne fut pas grande.
Il n’aurait plus manqué !…
J’eus deux jours de prison et cinq cents francs d’amende.
Hein ? N’est-ce pas d’un gai ?

Ah ! non alors, vrai, si jamais l’on m’y repince
A conspuer les vieux,
Je veux bien que jusqu’à ma mort l’eau claire rince
Mon gosier furieux !

Sapristi, messeigneurs, payez-vous des donzelles
De trois ans ; faites donc
Toutes les saletés possibles, comme celles
Que l’on fait à London ;



C’est moi qui m’en bats l’œil avec une brouette,
Croyez bien, mes cochons…
Diable ! je vais trop loin : prends bien garde, ô poète !
Attention, ponchon !



RAOUL PONCHON
Le Courrier Français
20 juin 1897
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