10 oct. 2007

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VERS POUR LES PETITES CHERIES
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le poète feint de se livrer à la boisson
pour oublier sa petite chérie.


Dans le sein d'une brasserie
Je l'attendis un jour entier ;
Vraiment, ça n'est pas un métier,
Vous en conviendrez, ma chérie.

Pour comble, le cabaretier
Ne recevait que la Patrie.
Dans le sein d'une brasserie
Je l'attendis un jour entier.

Alors, je bus une série
De bocks, autant pour t'oublier
Que pour faire mon templier.
Dame, que faire, je te prie,
Dans le sein d'une brasserie ?

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il affecte de se consoler
avec une autre


- Allons, vite, mon bon cocher,
Vers la charmante que j'adore ;
Je te couvrirai d'or sonore
Si ton canasson veut marcher.

Elle m'attend pour se coucher,
Je te le dis sans métaphore :
Allons, vite, mon bon cocher,
Vers la charmante que j'adore.

- La belle que tu vas chercher,
Je l'ai conduite hier encore
Chez je ne sais quel mirliflore
Mais, j'en sais une... ru' Richer...
- Allons, vite, mon bon cocher.




il ne veut pas marcher
avec la négresse



- Mâtin, ma fille, c'est bien cher,
Dis-je à cette petite blonde
Qui voulait Ophir et Golconde :
Tu me prends pour un bookmaker.

Je dis de même à la seconde :
- Et toi dont l'oeil lance un éclair ?
- C'est vingt-cinq louis, somme ronde.
- Mâtin, ma fille, c'est bien cher.

Et toi, plus noire que l'enfer,
Dont les seins flottent comme l'onde ?
- Rien, dirent d'une voix jucunde,
Ces cent trente kilos de chair.
- Nom de Dieu, c'est encor trop cher.




par bonheur il rencontre
une marquise



Marquise, je ne vois qu'un bout
De votre rose jarretière.
Montrez-moi votre jambe entière
Ou ne la montrez pas du tout.

Dieu, que vous êtes cachottière !
Ayez confiance en mon goût :
Marquise, je ne vois qu'un bout
De votre rose jarretière.

Le reste a-t-il même ragoût ?
Jusques à preuve du contraire,
Je crois, votre jambe altière
N'est pas bien faite de partout.
Marquise, je n'en vois qu'un bout...

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RAOUL PONCHON
le Courrier Français
9 oct. 1892




il en rencontre une au " Pôle Nord "


Vous patiniez, ma chérie,
Quand je vous vis au Pôle Nord,
Et vous me plûtes tout d'abord...
J'avais bien dîné, je parie...

Nous fimes ensemble un record
En sortant de cette écurie...
Vous patiniez, ma chérie,
Plus joliment au Pôle Nord.

Hélas ! mystère et Sibérie !
Non, je n'en eus pas pour mes ors.
Et quand vous vantiez vos trésors,
Quelle bonne plaisanterie !
Vous badiniez, ma chérie.



une deuxième veut se lancer dans la poésie,
il l'en dissuade


Lâche donc Pégase, oh ! la la !
Et travaille pour la revanche ;
Ca vaut bien mieux, ma vieille branche,
Demande plutôt à Zola.

Guidé par une patte blanche
Jamais bien haut il ne vola.
Lâche donc Pégase, oh ! la la !
Et travaille pour la revanche.

Ton cheval, vois-tu bien, c'est la
Guitare à quatre pieds, sans manche
Où ton personnage s'emmanche ;
Oui, ton vrai dada, le voilà.
Lâche donc Pégase, oh ! la la !




il se félicite de sa promenade sur terre
à l'instar de Renan


Ah ! la promenade exquise
Qu’ils ont faite tous les deux :
Mon corps, ce monstre hideux,
Mon âme, cette marquise,

Dans la vie, au milieu d’Eux !
Et l’un et l’autre à sa guise !
Ah ! la promenade exquise
Qu’ils ont faite tous les deux !

Si mon corps que le Mal grise
Prit des chemins hasardeux,
Mon âme dut plaire aux dieux
Etant au Bien tout acquise.
Ah ! la promenade exquise !





RAOUL PONCHON

le Courrier Français
23 oct. 1892


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