13 oct. 2007

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Le nommé Ponchon
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Tel un savant blasé pour qui les logarithmes

Sont esclaves obéissants,
Le Sieur Ponchon, tyran des rimes et des rythmes,
Les fait mouvoir en tous les sens.

Roi de la Prosodie et Burgrave du Verbe,
Il rend les pronoms attentifs ;
Les adverbes géants, abaissant leur superbe,
Se déguisent en adjectifs.

En l'escrime du vers, pour la tierce et la quarte,
Nul n'est plus fort ni plus coquet ;
Pour le laisser passer la césure s'écarte,
Et l'hiatus retient son hoquet.

La phrase souple vient, entre les pages blanches,
S'étendre avec placidité,
Comme une belle fille en balançant les hanches,
Offre son corps jeune et dompté...

Il fréquenta Gautier et Banville et Verlaine
Et son instinct conciliant
Amie d'un même amour, pour leur beauté sereine,
Théo, Pasquin et Lélian...


Mais sans dissimuler son culte de la Forme,
Le sage sait, plein de raison,
Eviter constamment ce ridicule énorme
Qui fait qu'on singe Brid'oison :

Il veut que, dédaignant la mièvre turlutaine,
Les artifices biscornus,
L'éternelle Pensée, implacable et hautaine,
Montre parfois ses charmes nus ;

Et fuyant ceux dont la faconde est dépensée

En vocables vides de sens,
Dans le temple serein de la seule Pensée
Sa pipe brûle de l'encens...

Lu, parlé haut et franc ; et, qu'il chante la rose,

Loubet, la vigne, ou ses amours,
Cela veut toujours dire - oui, toujours - quelque chose,
Et le dit en effet toujours.

Si l'inspiration refuse son délire,
Ce qui n'arrive point souvent,
Il regarde, joyeux, appuyé sur sa lyre,
Passer les femmes en buvant ;

Car (il sied que l'auteur par l'homme se complète)
Son coeur est pur comme son chant :
Etre bon, n'est-ce pas encore être poète,
En ce temps absurde et méchant ?


Hugue Delorme
le Courrier Français
3 déc. 1899



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