14 oct. 2007

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LA FOIRE DE NEUILLY
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Chaque an à cette époque
Cet excellent loufoque
Le bon Parisien
Béotien,

Comme une seule poire,
Se rue à cette foire
Dont le cours de Neuilly
S'enorgueillit.

C'est sa dernière étape
Avant qu'il ne s'échappe
Vers quelque trou pas cher
Campagne ou mer.

Pour cet être en démence
C'est le liebig immense
De tous les jeux, les ris
De son Paris :

Cette foire résume
Comme dans un volume
Toutes les voluptés
Qu'il va quitter.

C'est comme un répertoire
Absolu, péremptoire
Des jours niais vécus
Par ce vaincu.


Quand il va voir des brutes
Chez Marseille, des luttes,
*
Se croit-il vraiment
Au Parlement ?

Et la femme colosse
Inacceptable, atroce,
Qui fait tiquer Pitou
Sur son saindoux,

N'est-ce point Marianne
Avec toute sa panne,
Et ses pieds butyreux,
Et ses Chartreux ...?

Les cirques, les manèges,
Avec tous leurs manèges,
Lui font pousse des cris
Comme au Grand Prix.

Que s'il inventorie
Une ménagerie,
Il revoit ses amis
Ses ennemis.

Les manèges de vaches,
De fourgons, de pataches,
Lui rappellent du coup
Pour quelques sous,


Quelques jeunes tendresses
Qui furent ses maîtresses,
Et tous les Dupuytren (1),

Quid en ad vint...

Le ministère, en somme,
S'impose à lui, chez l'homme
A la tête de veau
Moins le cerveau.

Devant les balançoires
Il songe - on veut croire -
A celles qu'il entend
A chaque instant.

Et l'odeur des fritures
Des vinasses impures,
Qui broche sur le tout,
Et pue itou,

Lui redit et sans phrases,
Les bidoches d'occase,
Les navrantes boissons
Que nous paissons.

C'est ainsi que remâche
Son vomi, sans relâche,
L'excellent Parigot,
Le saligaud



Raoul Ponchon
le Courrier Français
03 juillet 1904



(1) Musée où m'on montre un tas d'horreurs en cire.


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