18 sept. 2007

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VIEUX CHIFFONS


Dites-moi donc ce qu’il arrive
Des députés non réélus ;
Ils font quoi, vont sur quelle rive,
Ces élus qui ne le sont plus ?

Dites-le, pour que je l’apprenne ;
Vont-ils chez les Chip-Song-Pennas ?
Dans le ventre d’une baleine
Robinsoner comme Jonas ?

Que diable est-ce qu’ils peuvent faire
Quand ils rentrent dans le commun ?
Ils se meuvent dans quelle sphère,
Clémenceau, Laguerre, de Mun ?

Quoi, en dehors de sa valise,
Fait Guyot ? Ou bien tel paquet ?
Que font ces excès de sot ise
Passy, Frédéric ou Floquet ?

Barrès, qui donne la migraine,
Cassagnac le beau capitan ?
Que font-ils, Vierge souveraine ?
Mais où sont les nèfles d’antan ?

Vous m’allez dire ; J’imagine
Que chacun fait de son côté
Ce qu’il faisait à l’origine,
Avant que d’être député :

Ainsi Guyot peut bien encore
Faire un vieux petit employé,
Machin, que son orgueil décore,
A la Morgue faire un noyé…

Chose aura toujours la ressource
De descendre au sein de son moi ;
Passy peut aller à la Bourse
Si c’est proprement son emploi…

Clémenceau détient la Justice ;
En tout cas, il aurait toujours
Cornélius, son vieux complice,
Qui garantirait ses vieux jours ;


Floquet, que faisait-il ? - Pardine,
Je n’en sais rien ; je crois qu’il ven-
Dait de la graisse de sardine…
Il fera donc comme devant,

Quant à celui qui s’exténue
A ne rien faire…eh bien, mon Dieu,
Comme le nègre, il continue
Jusques à en devenir bleu…

Possible, sans doute, peut-être…
Mais non… vous vous trompez combien !
Un député cessant de l’être
Tombe au dessous de rien de rien.

Il n’est même plus quelque chose
Après avoir été quelque’un ;
Il est à peu près une rose
Sans forme, couleur ni parfum.

Qu’un député cesse de plaire
Personne plus ne le connaît ;
Il n’est que mexicain, que glaire,
Que caca, que bran et qu’ohnet.

Il ne peut faire que se taire.
Ce qu’il savait, il l’oublia
En son règne parlementaire :
Bienheureux est qui rien n’y a.

Ainsi vous verrez ce neuf membre
Du Parlement, l’homme-canon,
Après deux ou trois ans de chambre
Ignorer ce qu’est un canon.
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En somme, contre la fortune
Lres pauvres n’ont aucun recours ;
Tous ces vaincus de la tribune
N’ont plus qu ‘à chanter dans les cours.

Et encore ! Car la moyenne
De ces sinistres effondrés
Ne relèvent que de Cayenne
Quant ils ne se font pas curés.




Raoul Ponchon
le Courrier Français
17 sept. 1893
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