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La France sait-elle coloniser ?
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Allons bon, on nous dégaine
Encore cette rengaine
Qui tend à s'éterniser :
La France, la pauvre France
Malgré sa persévérance
Ne sait pas coloniser.
Seule, l’Albion perfide
En aurait l’instinct rapide :
- C’est du moins ce qu’elle dit.
Bien que cette surannée,
Depuis déjà mainte année
Soit tombée en discrédit,
Sous ce rapport, à moins qu’elle
- La reine avec sa séquelle -
En son aberration,
Considère comme un geste
Et la famine et la peste,
De colonisation.
Ainsi, nous ne saurions guère,
A les entendre, d’équerre
Comme colonisateurs ?
Permettez-nous d’en rabattre :
Nous le sommes comme quatre
En y mettant des lenteurs.
Mais chacun a sa manière
De déployer sa bannière,
Et de la faire adorer,
De s’appuyer les peuplades
Jusqu’à les rendre malades
Qui veulent récalcitrant
Quant à la manière nôtre
Elle en vaut, je pense, une autre :
Nous envoyons nos lascars
Avec tambour et trompette
Promener notre conquête
Aux Tonkins, Madagascars…
Et voilà des colonies ;
Quelque peintre de génie
En fait un panorama ;
Et l’on tient à ces Malgaches,
A ces Tonkinois gouaches
Un laïus de grand format :
« Vous viviez dans une espèce
De nuit formidable, épaisse,
Nous allons vous éduquer
D’une façon péremptoire,
Et notre Française histoire
Tout d’abord vous inculquer… »
Tenez, l’autre jour, moi-même
Comme je battais ma flemme,
Tout à coup mon œil tomba
Au pavillon madécasse,
Sur cette chose cocasse
Qui me laissa tout baba :
C’était les cahiers de classes
Des écoliers madécasses,
Il appert de ces cahiers
Qu’on leur traduit les mystères
De nos gloires militaires
Dans la langue des Gohiers.
Pour leur dire les grands hommes
Que tous à peu près nous sommes
On les prend dès le berceau.
Quelquefois, dans la nuit noire
Sur un point obscur d’histoire
On les consulte en sursaut.
Ils savent déjà tout juste
Ce qu’était Philippe Auguste
Et François Premier du nom ;
Bientôt ils feront leurs orges
- Espérons - de Louis Quatorze
Et du grand Napoléon.
Pour peu qu’on leur assimile (1)
Plus tard ce que c’est qu’Emile
Ils en sauront bien assez :
C’est ainsi que, sans fatigue
Sur l’air de la digue digue,
Ils seront colonisés.
R.P
le Courrier Français - 08 juil. 1900
(1) Je ne sais si cela est bien français, mais qu’ça fout ?
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