28 mai 2009

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VERNISSAGE DES POETES
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(compte rendu avant la lettre)
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Les poètes, comme les peintres,
Désiraient avoir leur Salon,
Pour le remplir, du sol aux cintres,
De leurs rimes riches. Ils l’ont.

Hier, c’était leur vernissage.
Tout-Paris et moi, j’étions là.
Les femmes, selon leur usage,
Avaient mis leur grand tralala.

Sapristi ! La belle chambrée !
C’est que la Lyre est en faveur
- Quoi qu’on dise - en cette contrée,
Ce qui rend les peintres rêveurs.

Et ce n’est pas monsieur Fallières
Qui vint honorer ce Salon
De ses remarques familières,
Mais bien le seigneur Apollon.

*
* ...*



Tous leurs pégases en furie,
Au vestiaire une fois laissés,
Qui, pour un jour, en écurie
Se changea, comme vous pensez.

Porteurs et porteuses de lyre,
En attendant l’évènement,
Furent pris du sacré délire
Sans se fatiguer autrement.


Car, de part une loi physique,
De même qu’un compositeur
Chante vaguement sa musique,
En général, tel un auteur,

Poète comme prosaïste,
Dit ses œuvres tout de travers.
C’est donc de très rares artistes
Qui nous régalèrent en vers.

Ah ! Seigneur Dieu ! que de poèmes
On entendit là réciter !
Que de sonnets sur mille thèmes !
S’il nous fallait tous les citer,


Il y faudrait plus d’un volume,
Et les instants me sont comptés.
Disons, au hasard de la plume,
Ceux qui furent le plus goûtés :

C’est tout d’abord une machine
Interminable de Rostand,
Longue d’ici jusques en Chine,
Supérieure, nonobstant.

De Bonnard, notre prix de Rome,
Qui nous ont tous émerveillés,
Des vers dont il est économe,
Héroïques ou familiers ;

De quelques-unes de nos muses,
D’autres, frais comme le matin,
Par des binious, des cornemuses,
Accompagnés dans le lointain…

Ensuite, un être séraphique
Vint nous régaler, à son tour,
D’un sonnet des plus magnifiques,
Qui nous parut même un peu court.


Un autre, vrai rapin des lettres,
Aussi chevelu qu’Absalon,
Osa dire, devant ses maîtres,
Un quatrain qui parut trop long.


Grand succès pour ces deux poèmes,
Et pour ces deux jeunes lyreurs
Qui voulurent les dire eux-mêmes.
Je crois qu’ils feront tôt fureur

Dans les salons, - en conséquence.
Je vous en passe et des meilleurs…
Ayant abrégé la séance,
D’ailleurs, pour aller boire ailleurs.


RAOUL PONCHON
Le Journal
11 mai 1908

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