26 mai 2009

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CHAPEAUX D’HOMME
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Et, mon Dieu ! si les femmes,
Malgré nos épigrammes,
Arborent des chapeaux
Ivres de fanfreluches,
Et de plumes d’autruche,
Et de mille oripeaux ;


Disons-le sans mystère,
Pour être plus austères,
Ceux dont nous nous coiffons,
Nous autres, pauvres hommes,
Tout autant que nous sommes,
Sont encor plus bouffons ?

Hélas ! Miséricorde !
Celui qui tient la corde,
Disons : de la hideur,
Est, à coup sûr, ce tube
Qui, je ne sais quoi, cube
Et s’érige en hauteur.

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* ...*
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O chapeau haut de forme,
Invraisemblable, énorme,
Dont, hiver comme été,
Ne changera la mode ;
D’autant plus incommode,
D’autant plus adopté !

Chapeau le plus stupide
Qui soit, le plus turpide
Qu’ait jamais inventé
La cervelle en délire
D’un chapelier - pour rire,
Atteint d’ébriété ;

Galurin hérétique,
Absurde, inesthétique,
Monotone et bêta,
Vrai chapeau de démence,
Où le bourgeois commence,
Où finit le rasta ;

Que tu couvres un rustre,
Ou quelque tête illustre,
Tu n’en es pas moins laid ;
Que tu sois haut d’un mètre
Sur la tête d’un maître
Ou celle d’un valet ;


Que tu sois aussi terne
Qu’une éteinte lanterne,
Tel un « claque » à soufflets ;
Ou brille… ma parole,
Comme une casserole,
Avec dix-huit reflets,

Sois en cône ou t’évase
En manière de vase,
En façon de tromblon :
Arrive d’Angleterre,
Si c’est là ton critère ;
Sois à poil ras ou long,

En soie, en peau de zèbre…
Tu resteras funèbre
Comme un enterrement,
Quand tu serais encore
Couvert de lophophore,
En guise d’agrément .


RAOUL PONCHON
le Journal
10 février 1908

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