21 mai 2009

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UNE REINE !
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Elle sonna. « Tiens ! lui dis-je,
C’est toi jeune callipyge !
Depuis hier je t’attends,
Uniquement pour te dire
Que c’est fini de rire
Avec mon linge. Il est temps! »

- « Tu peux le garder, ton linge -
Répliqua-t-elle - vieux singe !
Je m’en fiche… et faudrait voir
A me parler moins à l’aise,
Car je suis, ne t’en déplaise,
La reine de mon lavoir ! » -


- « Ah ! Vous êtes une reine !
Et bien donc, ma souveraine,
Je suis votre humble sujet.
Votre majesté peut croire
Que me moquer de sa poire
N’entre pas dans mon projet ;

« Loin de moi cette pensée !
Mais, dis-moi, pauvre insensée
Pour être reine, tu n’en
Es pas moins ma blanchisseuse ?
C’est donc à la blanchisseuse
Que je parle maintenant :


« Ce qui confond mes méninges -
Vois-tu bien - c’est que mes linges
S’émiettent, sacré mâtin !
Sous tes doigts crispés et roses,
Ne vivent, comme les roses,
Que l’espace d’un matin.

« Regarde-moi ces chemises ;
Je les quatre fois mises,
Elles ne sont déjà plus.
Et, sans les croire éternelles,
Je te livre des flanelles…
Regarde-les, et conclus !…


« Mes mouchoirs ne sont que loques
Mes caleçons des breloques
Je voudrais, en vérité,
Savoir de quelle lessive
Furieuse et convulsive
Se sert Votre Majesté ?

« Mais, si je fais des grimaces,
C’est surtout pour mes « limaces ».
Je me demande comment
- Et c’est ça qui me dépasse -
Il se fait que tu repasses
Chacune différemment ?


« En voici, par exemple, une
Molle comme un clair de lune,
Qui me filtre entre les doigts ;
Cette autre est une cuirasse
Du moyen-âge… De grâce,
Répartis mieux ton empois !

« Mais c’est assez sur ce thème.
Je vais changer de système ;
Et pour n'avoir plus sujet,
O Reine ! de vous semondre,
J’enverrai mon linge à Londre
A l’instar de Paul Bourget. »



RAOUL PONCHON
le Journal
01 mars 1909
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