.
.
MISSION DELICATE
..
Qu’est-ce que je fais, Seigneur Dieu !
Dans la ville de Saint-Brieuc
Avec mon parapluie,
Sous un ciel morne et décevant,
Toujours pleurant, toujours pleuvant,
Sale comme une truie ?
Cité de brume et de sommeil,
Où, quand par hasard le soleil
Se montre, une seconde,
Emmi les nuages fangeux,
Les Briochins moyenâgeux
Croient à la fin du monde.
Oui, pendant qu’à Paris tout rit,
Pourquoi chez ces morituri
M’attarder, ô Delorme !
Quand, ailleurs, bien que je sois vieux,
Il est encor de si beaux yeux
Qui m’attendent sous l’orme ?
Ah ! ce n’est pas pour mon plaisir
Que je suis en train de moisir
Dans cette ville ingrate.
J’y remplis une mission
Je dirai : d’abnégation,
Étrange et délicate.
Oyez, plutôt, Delorme, oyez :
- Mais surtout, n’est-ce pas, soyez
Muet comme la tombe -
Vous savez que notre ami B…
Dans le mariage est tombé,
Ou, du moins, qu’il y tombe ?
Or, comme, à partir d’aujourd’hui,
Il n’a que deux mois devant lui,
Il veut, et c’est trop juste,
Faire encor le jeune garçon,
Avant de s’étendre sur son
Lit - disons : de Procuste.
C’est ici, pauvre infortuné,
- Vous l’avez déjà deviné -
Que mon devoir commence :
De le tenir à l’œil, au doigt,
Je suis chargé, par qui de droit,
Qui connaît ma prudence.
Ce jeune homme, on sait ce que c’est :
Toutes ses dents, pas de corset,
Prêt à tous les fruits mordre.
Il aurait mille occasions
De céder à ses passions…
Oui, mais j’y mets bon ordre.
Je le suis partout, pas à pas,
Comme son ombre. Et ce n’est pas
Une petite affaire.
Il m’échappe, pourtant, des fois,
Et j’en demeure tout pantois :
Où va-t-il, et quoi faire ?
Ce qu’il y a de curieux
C’est qu’il ait élu Saint-Brieuc
Pour y frasquer ses frasques.
Les femmes y ont, notamment,
Des agréments d’enterrement,
Des gueules de tarasques.
Que diable ! il aurait pu choisir
Une ville plus… de plaisir,
Où dorloter son vice ;
Plus de soleil et plus d’été ;
Ainsi que pour lui, c’eût été
Pour moi tout bénéfice…
Qu’est-ce que je fais, Seigneur Dieu !
Dans la ville de Saint-Brieuc
Avec mon parapluie,
Sous un ciel morne et décevant,
Toujours pleurant, toujours pleuvant,
Sale comme une truie ?
Cité de brume et de sommeil,
Où, quand par hasard le soleil
Se montre, une seconde,
Emmi les nuages fangeux,
Les Briochins moyenâgeux
Croient à la fin du monde.
Oui, pendant qu’à Paris tout rit,
Pourquoi chez ces morituri
M’attarder, ô Delorme !
Quand, ailleurs, bien que je sois vieux,
Il est encor de si beaux yeux
Qui m’attendent sous l’orme ?
Ah ! ce n’est pas pour mon plaisir
Que je suis en train de moisir
Dans cette ville ingrate.
J’y remplis une mission
Je dirai : d’abnégation,
Étrange et délicate.
Oyez, plutôt, Delorme, oyez :
- Mais surtout, n’est-ce pas, soyez
Muet comme la tombe -
Vous savez que notre ami B…
Dans le mariage est tombé,
Ou, du moins, qu’il y tombe ?
Or, comme, à partir d’aujourd’hui,
Il n’a que deux mois devant lui,
Il veut, et c’est trop juste,
Faire encor le jeune garçon,
Avant de s’étendre sur son
Lit - disons : de Procuste.
C’est ici, pauvre infortuné,
- Vous l’avez déjà deviné -
Que mon devoir commence :
De le tenir à l’œil, au doigt,
Je suis chargé, par qui de droit,
Qui connaît ma prudence.
Ce jeune homme, on sait ce que c’est :
Toutes ses dents, pas de corset,
Prêt à tous les fruits mordre.
Il aurait mille occasions
De céder à ses passions…
Oui, mais j’y mets bon ordre.
Je le suis partout, pas à pas,
Comme son ombre. Et ce n’est pas
Une petite affaire.
Il m’échappe, pourtant, des fois,
Et j’en demeure tout pantois :
Où va-t-il, et quoi faire ?
Ce qu’il y a de curieux
C’est qu’il ait élu Saint-Brieuc
Pour y frasquer ses frasques.
Les femmes y ont, notamment,
Des agréments d’enterrement,
Des gueules de tarasques.
Que diable ! il aurait pu choisir
Une ville plus… de plaisir,
Où dorloter son vice ;
Plus de soleil et plus d’été ;
Ainsi que pour lui, c’eût été
Pour moi tout bénéfice…
RAOUL PONCHON
Saint Brieuc, 9 octobre
le Courrier Français
13 oct. 1901
Saint Brieuc, 9 octobre
le Courrier Français
13 oct. 1901
.
.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire